Droit de vote communal
Nous devrions voter le 28 septembre prochain sur une réduction de la durée de résidence imposée aux étrangers pour pouvoir voter, élire et être élus au niveau communal. Depuis 2003, la Constitution cantonale exige dix années de résidence légale en Suisse, dont les trois dernières dans le Canton. La révision propose d’abaisser ce seuil à cinq années de résidence, dont une seule année en Pays de Vaud.
Elle remonte à une motion du député Hadrien Buclin pour restreindre la durée de séjour à une seule année de résidence en Suisse et dans le Canton. Le Grand Conseil était jadis partiellement entré en matière et, par une très courte majorité (70 contre 68), avait demandé au Conseil d’Etat d’élaborer un projet dans le sens de la réforme sur laquelle nous voterons. Le 3 juin dernier, en vote final, le Parlement a accepté cette révision de la Constitution.
L’argument central de ses partisans est que le droit de vote des étrangers dans des échelons dits «de proximité» y favoriserait leur intégration. La titularité ou à tout le moins l’exercice du droit de vote les inciterait à s’intéresser aux affaires de la commune, à se familiariser avec ses institutions et ses acteurs. A la tribune, le 27 mai dernier, le député Alexandre Démétriadès a tenté d’émouvoir l’assemblée en évoquant ces présidents de conseils communaux de nationalité étrangère qui portent, reconnaissants et la larme à l’œil, le toast à la patrie le soir du 1er août. Cet exemple sentimental et individuel reste en fait à la surface des choses.
Il est erroné de penser que la citoyenneté devrait être un moyen de favoriser l’intégration voire l’assimilation. L’inverse doit prévaloir: l’obtention de la citoyenneté consacre l’achèvement du processus d’intégration. Que la Constitution de 2003 ait déjà donné un coup de canif dans ce principe ne signifie pas qu’il ne soit plus valable.
A la même tribune, Xavier de Haller a appelé à ne pas «saucissonner» le droit de vote, non seulement dans le temps, c’est-à-dire la vie d’une personne, mais aussi dans l’espace, soit en fonction des différents échelons politiques.
Il répondait implicitement à son collègue qui voyait dans ce fractionnement du droit de vote l’exercice d’une prérogative souveraine du Canton, insinuant que refuser ces réformes revenait à adopter une position anti-fédéraliste. Nous nous réjouirons à ce propos de voir M. Démétriadès s’engager plus franchement contre la centralisation fédérale – par exemple contre l’initiative de ses camarades jeunes socialistes sur l’impôt sur les successions.
Il oublie que la souveraineté n’impose pas à son détenteur de gesticuler. Sans compter que dans le processus de naturalisation suisse, l’étape déterminante est l’octroi – par le Canton – de l’indigénat cantonal à la suite d’une bourgeoisie communale, et non pas «l’autorisation de naturaliser» délivrée par le Secrétariat d’Etat aux migrations. Centré sur le niveau cantonal, le système de la naturalisation suisse forme un tout. Les droits qui en découlent doivent eux aussi continuer à en former un.
La citoyenneté dépasse largement le droit de vote et s’accompagne de devoirs. Elle s’étend au service militaire fédéral, obligatoire pour les hommes et facultatif pour les femmes. Elle implique la responsabilité de transmettre à la génération suivante les mœurs et habitudes quotidiennes qui structurent un pays. Elle exige d’avoir conscience de la dimension fondamentalement diviseuse de la démocratie électorale et, contre elle, nous rappelle la nécessité de préserver l’unité de la communauté.
A ces questions institutionnelles s’ajoutent des enjeux de politique d’assimilation. D’après le Conseil d’Etat, accepter cette réduction de la durée minimale de résidence reviendrait à octroyer le droit de vote au niveau communal à 50 000 personnes.
L’expérience française nous enseigne que, passé certains seuils de populations étrangères, des logiques communautaristes s’ingèrent dans les processus électoraux. Chez nous, certains partis ont déjà le souci de multiplier les provenances ethniques ou nationales sur les listes électorales afin de drainer le vote des diasporas. Dans une dizaine d’années, lorsque les courbes générationnelles se croiseront, ces dérives s’aggraveront.
Cinq années de résidence dont une seule dans le Canton ne suffisent pas à la maîtrise du français. Le seuil actuel est déjà insuffisant. A cette méconnaissance parfois totale de la langue s’ajoute souvent une précarité financière et culturelle. Elle contribue à développer des réflexes communautaires et hiérarchiques échappant au filet institutionnel local. C’est prendre le risque que, pour ces communautés, le bulletin de vote devienne une marchandise.
La Ligue vaudoise votera NON à la réforme du droit de vote des étrangers au niveau communal.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Le chef et la dignité de ses hommes – Quentin Monnerat
- La Via Valdensis – Antoine Rochat
- Imposition individuelle: vers un référendum? – Jean-Hugues Busslinger
- … et un référendum des Cantons? – Olivier Klunge
- † Michel Haldy – Jean-François Cavin
- Irréalité du service civil – Olivier Delacrétaz
- Des déchets dans l’âme – Yannick Escher
- Europhilie Veveysanne – Félicien Monnier
- Les méchants sont partout, les bons aussi – Jacques Perrin
- La liberté et la démocratie grâce au dioxyde de carbone – Le Coin du Ronchon